La rétraction des gastrocnémiens
Les gastrocnémiens, ou muscles jumeaux, représentent la partie haute du triceps, le muscle du mollet.
Leur brièveté ou rétraction est une pathologie très fréquente et souvent méconnue.
Elle est en cause dans de nombreuses pathologies du pied, du mollet, ou du rachis.
Anatomie
Il y a 2 gastrocnémiens : le médial, dont l’insertion tendineuse est forte, et le latéral. Ils s’insèrent derrière le fémur, rejoignent le muscle soléaire au tiers inférieur de jambe, pour former le tendon d’Achille. L’ensemble est appelé le triceps sural. L’insertion proximale du muscle est particulière pour 2 raisons : elle est faite de fibres rouges (extensibles) et de fibres blanches qui le sont beaucoup moins, et cette insertion se fait au niveau de la face postéreure du fémur ce qui confère aux gastrocnémiens un caractère bi-articulaire. C’est à dire qu’ils traversent le genou et la cheville. Cela est essentiel dans leur rôle à une certaine phase critique du pas.
Rôle
Les gastrocnémiens se contractent dans la deuxième phase du pas et plus particulièrement lorsque le genou est étendu et que le talon se soulève par leur action.
Plus ils sont courts, plus la pression sous l’avant pied est importante au moment de cette « poussée » du pied.
Conséquences
De distal en proximal on va avoir :
une surcharge de l’avant pied, responsable de métatarsalgies (douleurs sous les têtes métatarsiennes), de syndromes de Morton, d’orteils en griffe par hypertonie des extenseurs, d’aggravation ou de provocation d’hallux valgus, d’hallux rigidus, avec le stade précoce qu’est l’hallux limitus.
Une arthrose du médio pied , en particulier de l’interligne de Lisfranc, un pied pat par glissement du calcanéum sous le talus.
Une instabilité des chevilles. Elle peut être objective : entorses à répétition ou subjective : sensation d’instabilité.
Une tension dans la chaine musculaire postérieure : aponévrosite plantaire (couramment appelée épine calcanéenne) , tendinopathie du tendon d’Achille, crampes du mollet, tennis leg (déchirure du gastrocnémien médial au mollet).
Un retentissement sur la jonction entre le rachis et le bassin, particulièrement au niveau des sacro-iliaques et du rachis lombaire bas, par hyperlordose.
On retrouve fréquemment surtout après 40 ans chez les femmes l’impression de se sentir mieux chaussée avec 3 cm de talons. La marche à plat étant difficile, inconfortable, voir douloureuse, et entrainant une sensation de bascule postérieure, des douleurs lombaires.
Diagnostic
Il se fait par une manœuvre simple : le signe de Silfverskiold :
Si la cheville est en équin (angle droit avec la jambe impossible à atteindre)alors que le genou est en extension et que cet équin se réduit quand le genou est fléchit, alors il y a rétraction des gastrocnémiens.
Cela ne veut pas forcément dire que c’est pathologique car 25% de la population environ a une rétraction et toutes ces personnes n’en souffrent pas. C’est la conjonction de ce signe clinique et des symptômes cliniques qui signe le diagnostic de rétraction pathologique des gastrocnémiens.
Traitement
- Médical : cette rétraction peut être traitée par étirement de la chaine musculaire postérieure. Divers exercices, à réaliser quotidiennement, peuvent vous être conseillés.
- Chirurgical : L’allongement des gastrocnémiens peut se faire au niveau proximal (derrière le genou) ou distal (tiers inferieur de jambe).
L’allongement proximal. C’est notre technique de prédilection car elle n’interrompt pas la continuité musculaire, qu’elle peut se faire des deux cotés en même temps et qu’elle ne nécessite pas d’immobilisation. De plus c’est une intervention simple, aux complications exceptionnelles. L’intervention consiste à couper les fibres blanches du gastrocnémien médial (jumeau interne) par une petite incision à la face interne du creux poplité., dans le pli de flexion. L’anesthésie est le plus souvent loco régionale. L’intervention est réalisée en position de décubitus ventral. Le plus souvent le geste est bilatéral.
Il n’y a pas d’immobilisation. Le levé et la marche peuvent se faire dès que l’anesthésie loco régionale n’agit plus.
Des exercices d’auto rééducation vous seront enseignés pour maintenir l’allongement des jumeaux. Les fils sont résorbables en 15 jours.
La sortie se fait le jour même voire le lendemain de l’intervention.
Cette intervention peut être couplée à une intervention sur l’avant pied, ce qui impose un changement de position en cours d’intervention.
On ressent un tiraillement postérieur pendant quelques jours mais cette gène s’estompe rapidement.
En résumé :
Cette intervention se pratique souvent en complément d’une autre chirurgie au niveau de l’avant ou de l’arrière pied.La rétraction des gastrocnémiens à cause de l’équin qu’elle provoque est souvent en cause dans des pathologies de l’avant pied et du médio ou de l’arrière pied et donc le traitement de la cause de cette pathologie est logique. Bien souvent il faudra aussi traiter les conséquences en même temps (hallux valgus par exemple)
C’est un geste simple pour le chirurgien et le patient. Les contraintes et les complications sont exceptionnelles. Bien souvent l’allongement des jumeaux permet de soulager des symptômes autres que la pathologie pour laquelle le patient a consulté (douleurs lombaires, crampes, du mollet, stabilité des membres inférieurs…)